Les textes du carnet de 1996
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24 janvier

Scène de violence, rue t'Kint.
3 Africains à terre, sur le sol glacé dont un tenu en joue par un policier en civil. Cependant l'homme à terre a les mains attachées dans le dos, menotté. Pourquoi le policier le met-il en joue ?

Peinture : ce qui est important, c'est l'arrière-pays. Et celui-ci est méconnaissable vu seulement de la surface qui serait elle la frontière d'où l'on embrasse la région entière. Cela ne suffit plus. Il faut pénétrer, s'enliser, camper dans des endroits qui ne révèlent pas, de prime abord, tout le pays.
Aussi j'y consacrerai de la patience et si possible de la volonté, mais je suspecte la volonté seule de briser les règles du jeu, de vouloir imposer.
n un petit vaporisateur de jardin peut-être permettrait de colorer les fonds. Je n'ai encore jamais étudié le rôle des épaisseurs sinon dans le feu de l'action. J'aimerais commencer.

[...]

2 février

Dans l'article de Louis Marin sur « Enoncer une mystérieuse figure - La Figurabilité de l'Annonciation »  :

« Comment figurer cet intervalle, cet "interdire" où s'échangent des paroles, à la mesure de la résonance des souffles et des voix ?  [...]
Dans le dispositif de la représentation du début du Quattrocento, à l'époque où prêche St Bernardin de Sienne en Toscane, la perspective légitime (c'est moi qui souligne) apparaît bien constituer en peinture la structure sous-jacente à l'espace que celle-ci représente. La disposition "en frise" des figures de la storia sur la scène narrative construite dans cet espace opère théoriquement une rotation à 90° de ce dispositif. La latéralisation par la disposition des figures dans l'espace représenté par l’œuvre de peinture, est, quant à la centration du dispositif de représentation que la perspective règle et articule analogue à la déconnexion de la structure d'énonciation que réalise dans le langage la modalité narrative par le système des temps des verbes et des pronoms. »

Exemple contraire ou illégitimé de la perspective. Scènes d'Histoire ou de bataille du siècle dernier.

                                                           mystère de la figurabilité.
                                                           un simple intervalle qui fuit en
                                                           profondeur selon l’axe du regard.

                                                           la colonne
                                                           signe figure, à puissance symbolique
                                                           qui baliserait l’entre-deux de l’invisible
                                                           et inaudible échange de paroles
                                                           entre les acteurs du récit.
                                                          

[...]

12 février

A propos de Morandi, la capacité d'inventer des représentations complexes différentes de la réalité des objets.
Caprettini : comme si penser était voir et voir également penser, dans un va-et-vient difficile à interrompre.

21 février

Dresde - Sarajevo
à partir des paysages de la foire du midi.

22 février

regarder fortement.

[...]

29 février

... Le blanc est du voyage.
Le ciel de Permeke n'est pas seulement un beau de morceau de peinture et pas davantage celui de Vermeer.
Il me faut étudier les éclairages au sol le matin, l'après-midi.

3 mars

Le marcheur solitaire.
Le métro : doublement mouvant.
La Chute. Les odeurs, surtout synthétiques - semelles.

Peut-être que les figures que j'observe dans le dessin de « Jésus au milieu des Docteurs » sont-elles des présences fortes et que la toile à venir se caractériserait par une série de figures non pas caricaturales mais normales, anonymes inconnus au fond, car je ne sais pas ce qu’« ils » pensent.

5 mars

[...]
2 structures - 2 formes de vie totalement différentes et qui me tentent à m'efforcer de traduire : la première, la foire et les auto-scooters, totalement artificielle, étincelles, bruit, ferraille, couleurs criantes, visages et corps hallucinés et décomposés, non pas rires mais rictus. La seconde, le parc, terre humide, pas vraiment verte - clair obscur des fourrés, une passante, un cygne, des canards et pigeons, chien et par dessus tout un violacé superbe se logeant partout.

Ce sont presque des cas de figures car dans les 3 cas, Jésus parmi les docteurs, le parc, les auto-scooters, ce sont 3 manières différentes :

1)    pinceaux de martre - transparence, éclat
2)    superpositions - dessin fort
3)    superposition - couteau à palette, pinceau dur

En tous les cas, la vue du parc est bien agréable.
[...]

6 mai

Il arrive toujours un moment où ajouter, c'est retrancher, où parfaire est détruire. Ce moment est le plus important dans la gestion d’une toile. C’est le moment où l'on est le plus seul. Enfin n'exagérons rien, où la solitude se doit d'être. Où elle est bonne.

11 mai

[...]
Il y a dans la peinture à l'acrylique une façon de procéder et des qualités qui lui sont propres. Les glacis eux-mêmes sont possibles, sur un registre limité mais qui confère à cette manière une qualité d'éloignement assez prodigieuse. Il me semble que ces qualités n'ont pas encore été exploitées comme il le faudrait. Moi-même je parle encore du « charme » de l'huile alors qu'il est bien désuet à l'heure qu'il est. Quant au traitement des visages, là, j'avoue ma perplexité.
Déjà Dasnoy parlait de la perte de cette science à l'orée de l’impressionnisme.

14 mai

Plus requis par le fond des choses. Je crois que la hantise des visages vient de là. Ce sont les situations qui me font m'émouvoir. Ce n'est pas la tache, ni la couleur mais pour autant que celle-ci puisse cerner une personne, un lieu.

17 juillet

Réaliser que toutes les toiles peintes ces dernières semaines ont des qualités.
Et pour le présent ?
Ne pas regarder en arrière.
Comme vouloir continuer le portrait de Paul peint en 86, le sachant ou le voyant très incomplet. Inquiétude qui naît dans cette toile de l'instabilité foncière dans le rapport des couleurs, la pose, etc.
Non ? il y a mieux à faire, chercher des valeurs qui éveillent mon imagination – qui est un bien pauvre terme pour exprimer beaucoup, beaucoup plus. Nouveauté – surprise, souvenir – évocation. Donc, tout ce qui est du discours direct est à rejeter. Il me faut dans la pensée un arrière-plan d'une certaine profondeur.
Aujourd'hui et pour moi-même j'estime toutes les propositions réalistes fausses et sans objets, encore qu'à entendre par là un idéal abstrait n'est pas mon propos, je dirais plutôt qu'il s'agit pour moi de traduire encore et toujours la réalité, et celle-ci bien cernée, bien immédiate comme dans le thème religieux, dans l'avenir ou un passé fait pour le contenir.

O figure de l'amour conjugal au travers ........

reclining figure


   Cfr. La part de l'œil n° 3, revue annuelle, 1987, p. 120.